Le texte qui suit est extrait du site "Les batailles de France" avec leur aimable autorisation
Le contexte historique
Luxembourg, vainqueur des Alliés à la bataille de Fleurus en 1690, s'était emparé d'une partie de la Belgique.
Cependant les Alliés n’avaient pas dit leur derniers mots.
Le
prince de Waldeck démissionna et le Roy d’Angleterre, Guillaume III
d’Orange, prit le commandement de l’armée Alliée. Celle-ci se composait
de soldats Anglais, Hollandais et Allemands.
Le front des pays-Bas est le thêatre de sièges et de combats acharnés pendant
la guerre de la ligue d'Augsbourg. Louis XIV aidé de Vauban, fait capituler
Mons en 1691 et Namur en juin 1692. Luxembourg, auréolé de sa victoire de fleurus,
poursuit en Flandre sa lutte contre la coalition qui regroupe la presque totalité
des États d'Europe.
Luxembourg, à la tête d'une armée de 50 000 hommes, installe son camp à Enghien
le 31 juillet pour se rapprocher des forces de Guillaume d'Orange. Le même
jour, Millevoy, espion à la solde de Luxembourg, est arrêté par l'Electeur
de Bavière qui va profiter de l'occasion pour utiliser une ruse de guerre à partir d'une fausse nouvelle.
On dicte à Millevoy une lettre révélant que les alliés iraient au fourrage
Couper et amasser du fourrage. Il se disait surtout en termes de Guerre.
Fourrager dans un champ, dans un village. face à la droite française le 3 août, la missive arrive au maréchal le 2 août...
Avant la bataille
A trois heures du matin, on vint réveiller le maréchal Luxembourg.
On voyait, disait l'estafette, une grosse colonne de cavalerie ennemie avançer
vers Sainte-Renelle et qui obliquait du côté d'Enghien. Dans le
même temps, un éclaireur, posté au loin au moulin de Haute-Croix,
annonçait la même nouvelle . Ce dernier ajoutait que ce n'était,
selon toute apparence, qu'une escorte de fourrageurs car des soldats fauchaient
autour des escadrons.
Cet avis semblait confirmer l'information envoyée par Millevoix et Luxembourg
n'y attacha d'abord que peu importance. Deux heures plus tard, un deuxième
message mentionnait d'épaisses masses d'infanterie qui se glissaient derrière
la cavalerie. Il s'agissait de l'armée du prince d'Orange.
Le maréchal Luxembourg se leva, sauta en selle, gallopa vers Steinkerque
et gravit une hauteur d'où l'on dominait la contrée. Il y fut vite
rejoint par son état-major qu'il avait fait prévenir en hâte.
C'étaient les ducs du Maine et de Chartres, le prince de Conti,
le duc de Bourbon, les deux princes de Vendôme, le maréchal de Villeroy,
le duc d'Elbeuf et le prince de Turenne. "La troupe dorée",
ainsi qu'on les appelait, la plupart à demi vêtus et à peine
arrachés au sommeil.
Aussi loin que portait la vue, la plaine, étroite et longue, était
comme « fourmillante de troupes ». Elle se trouvait alors hérissée
de mousquets, de piques, de baïonnettes que faisaient étinceler les
premiers rayons du soleil. Une puissante armée de quatre-vingt mille hommes
où flottaient les drapeaux de l'Angleterre, de l'Espagne, de l'Empire
et des Provinces Unies et dont la première colonne n'était qu'à deux
milles de distance.
Déroulement de la bataille
À la minute, le plan du maréchal Luxembourg fut fait. Parmi le
silence consterné de tout son entourage, sa voix, nette et vibrante, donna
les instructions . Luxembourg régla les postes et distribua les rôles
sans omettre un détail et avec un calme qui rendit la confiance aux plus
abattus.
Tandis que dans le camp Français on battait la générale
et qu'on faisait prendre les armes aux soldats endormis ; Luxembourg reconnaissait
le champ de bataille, fixait la zone d'action et s’assurait des points
essentiels. C’est sur sa droite que se ferait “la véritable
attaque”, aussi est-ce vers Steinkerque que Luxembourg accumula ses grosses
masses d'infanterie.
Comme le temps pressait et que, d'un instant à l'autre, on pouvait avoir
l'avant-garde ennemie sur les bras pendant que les lignes se formaient, le maréchal
Luxembourg envoya les troupes qui se trouvait à sa portée (brigade
de Bourbonnais, quelques escadrons de dragons) et les jeta en avant, afin de
recevoir le premier choc et ralentir la marche des Alliés.
Derrière eux, la Maison du Roy formait comme un rempart épais sur
cinq lignes de profondeur. Cette troupe d’élite s'appuyait au bourg
de Steinkerque et se trouvait flanqué à droite par un ruisseau
qui l’empêchait d’être tournée.
Des courriers partirent au galop chercher la division du marquis de Boufflers
qui campait à trois lieues de là. La précaution d'ailleurs
se trouva superflue : cet excellent lieutenant, entendant le bruit du combat,
s'était mis de lui-même en route et courait au canon.
La confusion régnait encore dans une partie de l'armée française
lorsqu'on vit déboucher, vis-à-vis de Steinkerque, une forte colonne
d'infanterie ennemie. C'était une division Anglaise avec un détachement
Danois.
A leur tête se trouvait le duc de Wurtemberg. A l'étonnement
général, l'avant-garde ennemie s'arrêta et se mit posément
en bataille.
Elle demeura près de quatre heures en place sans faire aucun
mouvements. Que se serait-il passé si l'ennemi avait attaqué ?
Les hostilités débutèrent par une longue canonnade. L'artillerie
des Alliés, nombreuse et bien servie, ouvrit vers neuf heures du matin
un feu nourri sur les lignes Françaises qui ne purent riposter : l'artillerie
n'étant pas en place.
Vers midi, la division Anglaise, commandée par Mackay, passa à l'attaque,
elle fut reçue avec fermeté et les deux troupes se mêlèrent
de si près que "les mousquets s’entrecroisaient" et qu'on
se tuait à bout portant.
Le duc de Württemberg, étonné de la résistance des
Français, fit alors avancer les bataillons Danois tandis qu'une batterie
de canons accablait les régiments français d'une terrible pluie
de mitraille. En peu de temps, les français perdirent 1500 hommes.
Bourbonnais recula et céda sous l'ouragan de feu. L'ennemi se rendit maître
des premières haies et s'empara de six pièces d'artillerie. L’ennemi
se borna à son premier succès car le prince de Conti, se jetant
en avant avec la brigade de Pollier, arrêta la poursuite.
Ce premier engagement fut suivi d'un répit qui ne fut pas de longue durée.
Le duc de Württemberg en profita pour essayer une manœuvre audacieuse.
À
la faveur des haies et des broussailles, il se coula doucement avec huit bataillons
Alliés vers le centre de la ligne. Puis, par un rapide volte-face, il
se rabattit sur l'aile droite Française et la prit par le flanc, tandis
qu'au même moment la division Anglaise de Mackay la poussait brusquement
en tête.
Sous cette double pression, les deux premières lignes Françaises
fléchirent, sans désordre, mais en abandonnant une nouvelle batterie
de canons que l'ennemi tourna contre eux.
Le duc de Württemberg, assemblant alors toutes ses forces, s'établit
solidement en face du village de Steinkerque et fit placer des "chevaux
de frise
Les chevaux de Frise sont un type de barrière utilisée depuis le Moyen Âge.
Elle est censée avoir reçu son nom pendant la guerre de Quatre-Vingts Ans, ou
révolte des Pays-Bas. C'est avec elle que les assiégés de la ville de Groningue
(proche de la Frise) réussirent à contrer les assauts de la cavalerie espagnole.
À l'origine, elle était constituée de croisillons de bois et dirigée contre la
cavalerie, mais les variantes modernes d'acier ou de béton sont utilisées comme
barrières ou herses contre les chars et autres véhicules. Les chevaux de Frise
sont formés de poutres d'environ 1,5 m, aiguisées, assemblées en croix, et solidarisées
par une poutre longitudinale qui assure la stabilité de l'ensemble.
" sur le front de sa ligne.
Par la suite, derrière ce
fragile
rempart, il ouvrit un feu de mousqueterie qui fut extrêmement meurtrier.
Luxembourg appela la brigade des Gardes Françaises, le régiment
des Gardes Suisses, toute l'infanterie Française de la Maison du Roy et
les joignit à ce qui restait des brigades décimées de Pollier
et de Bourdonnais. Comme les fusils Anglais tiraient plus vite que les mousquets
français,
le maréchal Luxembourg recommanda partout qu’on aborda l'ennemi
de près et qu’on usât de l’arme blanche.
La colonne Française s'ébranla et marcha vivement à l’attaque.
Ce fut, écrit d’Artagnan, “le plus beau spectacle qui se puisse
imaginer” . Les décharges, les volées de mitraille,
rien n’arrêtait ce bloc de fer, n'arrêtait cette marche inflexible
. L’ordre des rangs n’était même pas troublé .
D'un bout à l'autre de la ligne, un même cri se faisait entendre:
“L’épée à la
main ! L’épée à la main ! Ne tirez pas!” .
Et ce fut en effet “l'acier qui fit toute la besogne”.
Les Gardes
du Roy les premiers entrèrent dans le carré . Les autres régiments
Français passèrent par la trouée, aucune barrière
ne put tenir devant une poussée si terrible. Les bataillons Anglais, disloqués
et rompus, se firent hacher sur place. Peu habiles à manier les épées
et les piques ; ne pouvant, dans cette mêlée, mettre leurs fusils
en usage, ils n'opposèrent aux français qu’une faible résistance
inerte et le carnage fut affreux.
La division Anglaise de Mackay fut entièrement anéantie . De ses
cinq régiments, les plus beaux d’Angleterre, on peut dire qu’il
ne resta rien . Mackay ne voulut pas survivre à ce désastre, il
refusa quartier et fut percé de coups.
Trois autres généraux Anglais : Douglas, Lanier et Montjoy furent
tués ou pris à ses cotés.
Les français récupérèrent tous les canons, précédemment
perdus, plus une dizaine appartenant à l'ennemi. L'aile gauche des Alliés
tout entière fut bientôt en déroute . Sans le comte d'Owerkerque,
qui amena du renfort et soutint la retraite, elle n'eût pas évité la
destruction totale.
A 19h00 heures, d'un bout à l'autre de la ligne, les français avaient
l'avantage . Des estafettes annonçaient l'arrivée imminente de
la division de Boufflers qui allait fournir dix mille hommes de troupes fraîches.
Guillaume d'Orange craignit un écrasement complet, il fit sonner la retraite.
Ainsi prit fin cette journée mémorable, l'une des plus chaudes
et des plus sanglantes de cette guerre. La perte des Alliés fut évaluée à 12
000 hommes . La promptitude de leur retraite fit qu'ils laissèrent sur
place un très grand nombre de blessés. L'ennemi abandonnait 1 300
prisonniers, douze canons, autant de drapeaux. Mais ces trophées coûtaient
cher : près de huit mille hommes hors de combats, dont sept cent officiers
côté français.